Nous voici un an après la catastrophe de Fukushima. Un an pendant lequel l'ensemble des français étaient pris de sueurs froides toutes les nuits à se poser la grande question de la sûreté des centrales nucléaires. Bon OK, j'en rajoute un peu, mais quand même. :o)
A noter que la période électorale du moment fait évidemment office de catalyseur dans cette affaire. Surtout,
j'ai l'impression qu'on est passé pendant un an à coté d'une belle
occasion de parler de « science et société ». Mais où
sont donc passés les médiateurs scientifiques, que diantre ?!
Le rappel
des faits :
Le
11 et 12 mars 2011, un séisme suivi d'un ras-de-marée provoquent au
Japon des dizaines de milliers de morts et endommage de façon
irréversible le système de refroidissement d'une centrale
nucléaire, à Fukushima. Le combustible (Uranium) porté à très
haute température risque de fusionner et donc de faire exploser les
réacteurs.
Le
Japon connaissait alors « une crise sans précédant » -
dixit la nana de la TV (l'émotion lui faisant sûrement oublier que
le Japon avait déjà fait la connaissance de Little Boy et Fat Man
un certain mois d'août 1945).
Un
vrai cataclysme qui replonge la France dans les sempiternels débats,
sur fond de jugement dernier, sur la nécessité d'arrêter toute
exploitation de l'énergie nucléaire :
Les
uns, prédicateurs de la fin du monde, accusent le monde politique, influencé par les margoulins de l'industrie, de nous
embarquer dans une voie incontrôlable et dangereuse pour les
générations futures (c'est sympa de penser à elles).
Les
autres, plus ou moins conscients du problème, nous assurent dans un
grand élan positiviste que la science est de plus en plus sûre et
que les problèmes posés aujourd'hui trouveront inévitablement une
solution dans l'avenir.
A
noter également qu'on a une tendance lourde à confondre la sûreté
(des installations) et la sécurité (des opérateurs et de la
population). Mais ceci est un autre débat.
Le
débat de fond est éminemment technologique, une technologie mettant
le Japon dans une situation non anticipée, aux conséquences sanitaires et
économiques graves.
Nous
voici donc embourbés dans un débat opposant une sorte de populisme
technologique (porté par la peur) à une technocratie triomphante
aux allures de guerre froide. Pas très intéressant. Je regrette
surtout de n'avoir entendu quelques voix dissidentes nous ramenant
vers le vrai sujet sociétal qui pour moi
est « la culture du risque ».
Pour faire simple, quand on parle de risque nucléaire, le problème
est-il le « nucléaire » ou le « risque » ?
La
culture cyndinique est présente à tous les niveaux de nos sociétés.
Ainsi, alors que je prends un risque (quelques euros) lorsque je joue
au loto en espérant décrocher la timbale, des états misent sur la
filière nucléaire pour assurer leur indépendance énergétique (et leur suprématie militaire), en
espérant que les réacteurs ne nous sautent pas à la figure.
Ce
rapprochement est un peu simpliste j'avoue - et volontairement brutal - mais le principe de base (la prise de risque) est le même
: on prend un risque quand on entre dans un casino, on prend un
risque lorsqu'on prend sa voiture pour aller au bureau, on prend un
risque lorsqu'on décide de ne pas se faire vacciner contre la
grippe...
Ces
risques sont calculés, individuellement du moins, et sont pris
délibérément en connaissance de cause. Mais une réelle question
éthique se pose quand le risque touche l'intérêt général et que
ce risque est pris par des tiers... et sans demander l'avis de ceux
qui y sont exposés ! Voilà à mon sens comment la Technosociété peut générer
la peur chez les citoyens.
Cette
question se pose pour le risque nucléaire, mais également pour la
plupart des risques sanitaires ou économiques (campagnes de
vaccination, financement des recherches en biologie moléculaire ou
en nanoscience, choix d'un investissement public, campagnes
électorales en vue d'élire un dirigeant...)
Il
me semble donc que la question n'est pas de savoir s'il faut « sortir
du nucléaire » mais plutôt de savoir s'il faut « sortir
du cyndinisme », en discutant les risques encourus et le niveau
d'acceptabilité des citoyens. Comme ça, on continuera à se taper
dessus comme des gros débiles, mais pour de réelles questions de société. Ça
me semble être un moindre mal.
Ainsi
je pense qu'une bonne médiation consisterait ici à ne
pas entrer dans le débat manichéen du pour/contre le nucléaire,
mais bien d'approcher la délicate question de
« la société du risque ».
Là
me semble être le vrai lien entre science et société, au risque de
me tromper bien sûr. ;o)
GF
.
Quelques
refs sur le sujet :
Ulrich
BECK, La société du risque, 1986
Georges-Yves
KERVERN, Cyndiniques : concepts et mode d'emploi, 2007
Maryline
SPECHT, Le défi des organisations face aux risques, 2009
Jean-Baptiste
FRESSOT, Le risque et la multitude, 2010
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