L'année mondiale de la chimie en 2011, consacrant le centenaire du prix Nobel de chimie attribué à Marie Curie, a été l'occasion en France d'une grande envolée autour de la place des femmes dans les sciences. Cette thématique est toujours d'actualité et a voir la forte implication de toutes les parties prenantes, « femmes et science » semble être devenu un nouveau Graal de la popularisation des sciences.
La porte est
donc ouverte à toutes les imbécilités sexistes, et l'argument
majoritaire qui se dégage est que le genre féminin est trop peu
représenté au sein de la communauté scientifique... et que la
science en pâtirait !
La science
serait-elle donc mal 'femmée' ?
- En premier lieu, je remarque que bien loin de l'objectivité qu'on lui prête, la science telle qu'elle est énoncée ici est manifestement un objet social et n'échappe pas aux considérations socio-économiques et idéologiques qui agitent la société. ;op
- Je remarque également avec un certain amusement que depuis que la science existe, elle passe un temps fou à nous expliquer que les hommes et les femmes sont intrinsèquement différents ? du coup, je comprends facilement que ces différences -scientifiquement prouvées, créent quelques différends.
La
quasi-absence des femmes dans la vie scientifique avant le 20e siècle
est indéniable. Beaucoup l'expliquent par (1) les conditions
d'apparition et de développement des sciences au sein de sociétés
phallocrates, et (2) une certaine « théorie du genre »
qui pousse à l'éducation différentielle entre garçons et filles.
Mais
derrière le débat systématique et facile de l'égalité
homme-femme, on peut voir poindre l'idée tacite que l'homme, et a
fortiori la femme, a encore une prise sur
l'évolution de la Technosociété. Eh ben moi j'en suis pas si sûr,
voici l'essentiel de mon propos.
Tout
d'abord, ce qui me met mal-à-l'aise, c'est l'impression de voir
transposé sur le terrain scientifique une joute sexiste inepte qui
n'a finalement aucun rapport avec le domaine concerné. Toutefois, si
l'on regarde la recherche scientifique du coté socio-professionnel,
la revendication est justifiée. Mais peut-être nous trompons-nous
quant aux arguments avancés.
Une remarque
: alors que la vulgate féministe a une tendance fâcheuse à
confondre l'égalité sociale homme-femme avec l'indifférenciation
des genres, l'argument qu'on retrouve fréquemment dans le milieu
scientifique est celui qui affirme qu'une certaine sensibilité
propre aux femmes serait un atout majeur pour le développer une
autre science, plus respectueuse de l'humanité et moins centrée sur
les applications techniques. Cette vision me semble intéressante
sur le plan idéologique : être une femme influerait donc sur la
réflexion théorique, l'organisation du travail, le choix des
thématiques de recherche, l'accès au financement, la valorisation
des produits de recherche... Avec évidemment le gros sous-entendu
que cette influence serait positive.
Premièrement,
sans entrer dans trop de dissertation sur le sujet, je ne pense pas
que les hommes et les femmes soient si différents, tout contexte
social mis à part. Et si Descartes écrit dans son Discours
de la méthode que le bon sens est la chose
du monde la mieux partagée -et qu'on lui donne raison- une recherche
scientifique ou règnerait le bon sens ne verrait pas de différences
aussi caricaturales entre hommes et femmes. Mais ceci reste
théorique. Ensuite pour
la question du bon sens dans les labos, je vous laisse le soin
d'ouvrir le débat. ;o)
Deuxièmement,
doit-on porter du crédit à la thèse d'une science « sexuée »
?
Je ne pense
pas que l'activité scientifique soit sensiblement affectée par le
type d'hormone circulant dans le sang du
scientifique, et je ne pense pas non plus qu'à une science
'masculine' puisse succéder une science 'féminine'. Surtout quand
on y intègre en filigrane une idée d'évolution sociétale.
Ma
conviction ici est que le développement technoscientifique est un
système qui n'a que faire des querelles sexistes et qui ne répond
qu'à une règle majeure : la recherche de l'efficacité. Le système
technique, désormais mondialisé, me donne plutôt
l'impression d'un développement déshumanisé (donc asexué), une sorte de carcan
aux allures totalitaires où les avancées scientifiques ne
concourent qu'à une seule chose : le progrès technique et
seulement lui. Mais j'entrevois également un système nécessitant
des opérateurs : les hommes délaissant les carrières scientifiques,
les femmes représentent alors un nouveau vivier à séduire. Nous nous y employons donc.
Pour
conclure : le mouvement scientifique global me semble étranger à
toute considération sexiste dans la mesure où se développe un
système quasi autonome dans lequel l'homme (ou la femme du coup)
représente un simple rouage et non une finalité. A discuter si vous le souhaitez.
Ainsi le poète
n'a pas toujours raison : la femme n'est peut-être
pas l'avenir de l'homme. ;o)
GF
.
Quelques
refs peut-être :
Commission
Européenne, Women in Science,
2009
Evelyn FOX
KELLER, The Wo/man Scientist : Issues of
Sex and Gender in the Pursuit of Science,
1991
Jean-Marc
LEVY LEBLOND, La technoscience
étouffera-t-elle la science ?,
2000
Jacques
ELLUL, Le système technicien,
1977
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